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1 février 2015 7 01 /02 /février /2015 14:51

Salaires dans la CCN 66 : le tribunal annule l'arrêté d'agrément

TSA, 22/12/2014

Coup de tonnerre dans la CCN 66 ! A la demande du département de l'Orne, le tribunal administratif de Paris a décidé le 10 décembre 2014 d'annuler l'arrêté ministériel du 10 décembre 2013 portant agrément d'un avenant salarial conclu en 2013. En cause : un défaut de procédure, le quorum de la commission nationale d'agrément (CNA) n'était pas atteint.

Il s'agit là d'une décision judiciaire inédite. Les conseils généraux avaient prévenu qu'ils s'opposeraient juridiquement au processus conduisant à l'agrément des accords collectifs du secteur médico-social au motif que leur voix n'était pas suffisamment prise en compte. Avec cette décision de justice du 10 décembre 2014, ils ont manifestement marqué un point même si les juges n'ont - en fait - sanctionné qu'une irrégularité procédurale (pas de remise en cause sur le fond).

Un agrément arraché de haute lutte

Alors qu'aucune hausse de la valeur du point n'était intervenue depuis 2010 dans la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 (CCN 66), en 2013, les partenaires sociaux ont décidé de tenter leur chance. Deux premiers avenants ont été refusés à l'agrément parce qu'ils excédaient légèrement le taux d'évolution de la masse salariale prévu pour 2013. Une petite revalorisation de la valeur du point est donc intervenue à la faveur d'un troisième avenant n° 326 du 25 octobre 2013 actant d'un passage de la valeur du point de 3,74 € à 3,76 € rétroactivement au 1er avril 2013. Cet avenant salarial a reçu un feu vert lors de la commission nationale d'agrément (CNA) du 21 novembre 2013, décision officialisée par un arrêté du 10 décembre 2013 signé du ministère des affaires sociales (la DGCS par délégation). C'est cet arrêté qui a subi les foudres des magistrats administratifs parisiens.

Le quorum n'était pas réuni

Le contentieux a été initié par le département de l'Orne qui demandait donc au tribunal administratif (TA) de Paris d'annuler l'arrêté autorisant la revalorisation de la valeur du point dans la CCN 66. Ses griefs ? Une procédure "irrégulière" sur trois points : 1/ la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) "n'a pas été consultée" ; 2/ la CNA a été "insuffisamment consultée" ; 3/ les règles de quorum "n'ont pas été respectées". Le conseil général (CG) met aussi en cause le "caractère rétroactif" de l'arrêté.

En défense, le ministère des affaires sociales balaie les arguments. Selon lui, la CCEN "n'avait pas à être consultée", l'arrêté en question "ne revêtant pas un caractère réglementaire" ; la consultation de la CNA a bien été régulière ("aucun quorum n'était exigé" ; les informations communiquées à la CNA "étaient suffisantes") ; et les agréments "peuvent légalement avoir un caractère rétroactif".

Sans répondre sur l'ensemble des points attaqués, le tribunal se contente de constater un défaut de procédure au niveau du quorum : "l'ensemble des représentants a été régulièrement convoqué à la réunion du 21 novembre 2013 mais [...] seuls deux membres étaient présents" (1). Or selon l'article 11 du décret du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif, "le quorum est atteint lorsque la moitié au moins des membres composant la commission sont présents, y compris les membres prenant part aux débats au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, ou ont donné mandat (…)". En l'occurrence, la commission étant composée de neuf membres titulaires, le quorum "n'a donc pas été atteint". Les juges en déduisent que la consultation de la CNA "était irrégulière" et que l'arrêté doit donc "être annulé" (sans "qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête"). Au final, le tribunal administratif ne se prononce donc pas sur la compétence de la CCEN qui est pourtant un des noeuds du problème.

Maîtrise de la masse salariale : les CG veulent être associés à la prise de décision

Au lendemain de l'agrément de l'avenant 326, l'Assemblée des départements de France (ADF) ne cachait pas son exaspération : "Cet agrément suscite de vives réactions de la part de certains présidents de conseils généraux, puisqu'il accroît les charges des départements". Sachant que la masse salariale des ESSMS dans les secteurs de la protection de l'enfance, des personnes âgées et des personnes handicapées représenterait 17 % de leurs dépenses sociales, les CG estiment indispensable - dans un contexte financier difficile - que leur place dans le processus de validation en CNA soit renforcée. L'ADF va même plus loin en réclamant que les arrêtés d'agrément soient également soumis à la CCEN, considérée comme "plus exigeante en matière d'évaluation financière". Un courrier en ce sens avait été adressé en janvier 2014 à Marisol Touraine par le président de l'ADF, Claudy Lebreton. La démarche avait recueilli le soutien du président de la CCEN, Alain Lambert (par ailleurs président du CG de l'Orne). Au sein de la seule CNA, les départements considèrent que leur point de vue n'est pas pris en considération "L'ADF ne participe plus a la CNA puisque l'Etat y est largement majoritaire et que les décisions financièrement et politiquement importantes sont prises en amont de cette CNA dans le cadre d'arbitrages interministériels", critique Jean-Pierre Hardy, directeur délégué aux solidarités et au développement social à l'ADF.

Même reproche s'agissant du taux d'évolution des salaires présenté chaque année en conférence salariale par la DGCS, accusée de tout décider de manière unilatérale.

Les salaires ne peuvent pas être modifiés sans l'accord du salarié

Conséquences pratiques. Que se passe-t-il lorsqu'un arrêté d'agrément est annulé ? A notre connaissance, ceci ne s'était encore jamais produit, en tout cas pas dans le champ salarial. Sans agrément des pouvoirs publics, la hausse de la valeur du point apparaît elle-même irrégulière. Est-ce à dire que les salaires vont baisser ou que les salariés vont devoir rembourser un trop perçu ? Pas sûr. Juridiquement, une baisse de salaire n'est valable que si l'employeur obtient l'accord du salarié. "On ne peut pas baisser les salaires comme ça !", affirme Bertrand Laisné, secrétaire fédéral à la CFDT santé-sociaux, qui estime que "les salariés n'ont pas à subir les dysfonctionnements internes à la CNA".

Seulement voilà, pour le financeur (qu'est le conseil général), la dépense devient inopposable. En somme, les départements n'ont plus l'obligation de financer cette hausse salariale prévue par l'avenant n° 326, tant pour l'avenir que - a priori - pour le passé (l'arrêté étant annulé, c'est comme s'il n'avait jamais existé).

Le différentiel va-t-il être pris en charge par le budget de l'Etat (2) ? Existe-t-il un moyen juridique de reprendre la procédure d'examen en CNA sans repasser par un nouvel avenant des partenaires sociaux ? Autant de questions pour l'instant sans réponse (sollicitée, la DGCS n'a pour le moment pas répondu). En tout cas, on imagine que le sujet ne manquera pas d'être abordé par les participants à la CNA qui doit se tenir demain 23 décembre.

(1) La DGCS et le DPJJ, sachant que ce dernier aurait émis un avis défavorable à l'agrément.

(2) Par exemple, en annonçant récemment sa décision d'agréer la hausse de la valeur du point dans la branche de l'aide à domicile (Bad), l'Etat a indiqué qu'une compensation de 25 millions d'euros serait versée aux départements.

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